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Communiqué de presse

Dr Jekyll et Mr Hyde trouvés dans vos intestins

Ami ou ennemi ? Une nouvelle étude révèle les deux facettes d’un probiotique potentiel

03 juin 2024 6minutes

Une nouvelle étude dirigée par le professeur Mahesh S. Desai du Luxembourg Institute of Health met en lumière la relation complexe entre les bactéries intestinales, les agents pathogènes et le régime alimentaire. L’équipe de recherche a examiné quelles bactéries présentes dans l’intestin pouvaient potentiellement aider un agent pathogène qui l’infecte, et comment cette interaction est influencée par les habitudes alimentaires. Leurs résultats révèlent une dualité surprenante : A. muciniphila, une bactérie considérée comme un probiotique potentiel, peut soit renforcer (Dr. Jekyll), soit affaiblir (Mr. Hyde) les défenses de l’intestin contre les bactéries nocives en fonction de l’apport en fibres alimentaires. Cette recherche souligne que les bactéries amies de l’intestin entrent en synergie avec les agents pathogènes dans le cadre d’un régime alimentaire pauvre en fibres, ce qui appelle à considérer une approche holistique lors de la conception d’interventions probiotiques.


Dans une étude pionnière destinée à redéfinir notre compréhension de la dynamique du microbiote intestinal, des chercheurs du Department of Infection and Immunity du Luxembourg Institute of Health ont découvert une dualité fascinante au sein d’une bactérie populaire mangeuse de mucus, Akkermansia muciniphila¸ qui est considérée comme un probiotique potentiel pour la gestion du diabète de type 2 et de l’obésité. Publiée dans la prestigieuse revue Molecular Systems Biology, la recherche, dirigée par Desai, met en lumière le personnage « Dr Jekyll et Mr Hyde » de cette bactérie, en montrant sa capacité à être soit bénéfique, soit nuisible à notre capacité à résister aux infections pathogènes, en fonction du contexte alimentaire.

L’étude, publiée en couverture du numéro de juin de la revue Molecular Systems Biology, examine la relation complexe entre la composition du microbiote intestinal, l’apport en fibres alimentaires et la sensibilité aux agents pathogènes entériques. Grâce à une série d’expériences méticuleuses menées sur des souris gnotobiotiques hébergeant un microbiote humain synthétique, les chercheurs ont démontré qu’A. muciniphila joue un rôle essentiel dans la modulation de la dynamique d’infection du pathogène de la muqueuse intestinale Citrobacter rodentium, qui est un modèle pour l’Escherichia coli entéropathogène et entérohémorragique humain.

Ce que nous avons découvert est vraiment remarquable. A. muciniphila, souvent présenté comme un probiotique de nouvelle génération, présente un comportement de type Janus, agissant à la fois comme un facilitateur et un protecteur contre les pathogènes entériques. Cette dichotomie souligne l’interaction nuancée entre les microbes intestinaux, les facteurs alimentaires et la santé de l’hôte,

déclare Desai.

La recherche révèle que dans des conditions de privation de fibres alimentaires, A. muciniphila rend l’hôte plus vulnérable à la colonisation pathogène des muqueuses en augmentant la pénétrabilité du mucus. Toutefois, dans le cadre d’un régime alimentaire riche en fibres, la présence d’A. muciniphila réduit paradoxalement la charge pathogène, ce qui met en évidence ses effets bénéfiques en fonction du contexte.

« Nos résultats remettent en question les idées reçues sur le rôle de l’A. muciniphila dans la santé intestinale », explique le Dr Mathis Wolter, premier auteur de l’étude. « Bien qu’il soit largement considéré comme un probiotique potentiel, notre étude souligne l’importance de prendre en compte le contexte alimentaire pour exploiter ses effets bénéfiques. »

Les implications de cette recherche dépassent le domaine de la santé intestinale et permettent de mieux comprendre la dynamique plus large de l’écologie microbienne et de la susceptibilité aux maladies. En identifiant A. muciniphila comme une espèce biomarqueur potentielle pour prédire la sensibilité aux pathogènes entériques, l’étude ouvre la voie à des interventions ciblées pour atténuer le fardeau des infections d’origine alimentaire.

« Alors que nous naviguons dans le paysage complexe de la santé humaine, il est primordial de comprendre l’interaction complexe entre l’alimentation, le microbiote et la maladie », ajoute M. Desai. « Nos recherches soulignent la nécessité d’une approche nuancée des thérapies probiotiques, tenant compte de la nature contextuelle des interactions microbiennes. »

La publication de cette recherche fondamentale dans Molecular Systems Biology marque une étape importante dans le domaine de la biologie des systèmes et de la recherche sur le microbiome, offrant de nouvelles perspectives sur la dynamique à multiples facettes de l’écosystème intestinal. L’étude est disponible sous le titre complet : « Diet-driven differential response of Akkermansia muciniphila modulates pathogen susceptibility ». ”(https://www.embopress.org/doi/full/10.1038/s44320-024-00036-7).

Financement et collaborations

L’étude est le résultat de la thèse de doctorat du Dr Mathis Wolter, un ancien étudiant en doctorat du professeur Desai. Deux chercheurs postdoctoraux de l’équipe du professeur Desai, les docteurs Erica Grant et Marie Boudaud, ont également apporté une contribution importante à l’étude en tant que co-auteurs. La recherche a été menée en collaboration avec le laboratoire du professeur Eric Martens à la faculté de médecine de l’université du Michigan, à Ann Arbor, aux États-Unis. Ce travail a été financé par le Fonds national de la recherche du Luxembourg (FNR), les Instituts nationaux de la santé des États-Unis, la Commission Fulbright, la Fondation du Pélican de Mie et Pierre Hippert-Faber, sous l’égide de la Fondation de Luxembourg et les actions Marie Skłodowska-Curie de la Commission européenne Horizon 2020.

A propos du Luxembourg Institute of Health: Research dedicated to life

Le Luxembourg Institute of Health (LIH) est un établissement public de recherche biomédicale focalisé sur la santé de précision et investi dans la mission de devenir une référence de premier plan en Europe pour la traduction de l’excellence scientifique en avantages significatifs pour les patients.

 Le LIH place le patient au cœur de toutes ses activités, animé par une obligation collective envers la société d’utiliser les connaissances et les technologies issues de la recherche sur les données dérivées des patients pour avoir un impact direct sur la santé des personnes. Ses équipes dévouées de chercheurs multidisciplinaires visent l’excellence, en générant des connaissances pertinentes liées aux maladies immunitaires et au cancer.

L’institut considère les collaborations, les technologies de rupture et l’innovation des processus comme des opportunités uniques d’améliorer l’application des diagnostics et des thérapies dans le but à long terme de prévenir les maladies.

Scientific Contact

  • Prof Mahesh S.
    Desai
    Group Leader, Nutrition, Microbiome and Immunity

    Department of Infection and Immunity

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Press Contact

  • Arnaud
    D’Agostini
    Head of Marketing and Communication

    Luxembourg Institute of Health

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