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Communiqué de presse

Allergies alimentaires : une affaire « d’intestins »

Les scientifiques du LIH élucident un lien fonctionnel entre l’alimentation, les microbes mucolytiques intestinaux et les allergies alimentaires

13 septembre 2023 7minutes

Dans une étude novatrice publiée dans la prestigieuse revue « Nature Microbiology », le groupe de recherche « Nutrition, Microbiome and Immunity » du « Department of Infection and Immunity » (DII) du LIH a montré comment un régime pauvre en fibres entraîne la prolifération de la bactérie mucolytique Akkermansia muciniphila dans l’intestin. Cette prolifération est à son tour associée à une barrière muqueuse intestinale endommagée, à un état inflammatoire et, par conséquent, à une sensibilité accrue aux allergènes alimentaires. Ces résultats ouvrent donc des possibilités innovantes d’utiliser le microbiote intestinal comme cible thérapeutique ou préventive pour lutter contre les allergies alimentaires, qui sont reconnues comme une épidémie mondiale croissante.


Le microbiome intestinal, c’est-à-dire la communauté microbienne « amie » naturellement présente dans le tractus gastro-intestinal, est connu pour son rôle important dans la prévention du développement des sensibilités aux allergènes alimentaires. Les altérations du microbiome intestinal, causées par exemple par des régimes riches en graisses et pauvres en fibres, ont donc été associées à la prévalence croissante des allergies alimentaires, bien que l’on sache encore peu sur la manière dont certaines bactéries intestinales affectent la tolérance aux allergènes alimentaires. L’équipe de recherche du LIH a donc cherché à identifier les liens de causalité afin de faciliter notre compréhension de la manière dont les interactions entre le régime alimentaire et les microbes intestinaux régulent les allergies alimentaires.

La barrière muqueuse intestinale qui recouvre l’intérieur de l’intestin, et en particulier la couche de mucus, agit comme une première ligne de défense contre les agents pathogènes, permet une absorption efficace des nutriments et favorise la tolérance aux antigènes alimentaires. « Nous avons donc émis l’hypothèse que la privation de fibres alimentaires peut entraîner une modification de la composition du microbiome, et plus particulièrement une augmentation des microbes mucolytiques intestinaux, conduisant à la détérioration de la barrière et, par conséquent, à un état inflammatoire dans l’intestin, ce qui prédispose l’hôte à une sensibilisation accrue aux allergènes », explique le professeur Mahesh Desai, chef du groupe « Nutrition, Microbiome and Immunity », et responsable de l’étude.

En utilisant des modèles de souris, l’équipe a comparé les effets d’un régime sans fibres et d’un régime riche en fibres sur la composition du microbiome intestinal. Ils ont constaté qu’une augmentation des bactéries dégradant le mucus, en particulier d’Akkermansia muciniphila, dans l’intestin des souris privées de fibres est associée à des réponses immunitaires altérées qui prédisposent l’hôte à développer des allergies alimentaires. Or, on sait généralement que la sensibilisation aux allergènes a lieu dans l’intestin grêle. « Nos résultats suggèrent des voies immunitaires innées, jusqu’ici non décrites, de sensibilisation aux allergènes dans le gros intestin, qui dépendent de l’augmentation des bactéries dégradant le mucus en fonction du régime alimentaire », déclare le professeur Desai. En outre, les scientifiques ont observé une augmentation de bactéries recouvertes d’anticorps dans le gros intestin. « Ces bactéries recouvertes d’anticorps, associées à une barrière intestinale dégradée et donc perméable, génèrent à leur tour un état inflammatoire de la muqueuse dans le côlon, ce qui favorise les mécanismes menant à l’allergie alimentaire », ajoute-t-il.

La présence d’A. muciniphila s’est avérée être une condition nécessaire pour augmenter la sévérité des symptômes allergiques chez les souris sensibilisées, indépendamment de leur régime alimentaire, démontrant le rôle causal de ce type spécifique de bactérie mucolytique dans l’augmentation de la susceptibilité aux allergènes induite par la privation de fibres. Ces résultats suggèrent que plusieurs autres « biomarqueurs » indiquant des réactions allergiques pourraient être identifiés dans le microbiome des patients souffrant d’allergies alimentaires. La modulation de ces biomarqueurs par des interventions diététiques pourrait donc contribuer à atténuer les symptômes et, par conséquent, à réduire le fardeau des allergies alimentaires. « Je suis convaincu que cette étude va changer la donne pour les personnes atteintes d’une allergie alimentaire », déclare le professeur Markus Ollert, directeur du DII et collaborateur de l’étude.

« Dans l’ensemble, notre étude soutient fortement l’idée émergente selon laquelle l’allergie alimentaire consiste en un vaste éventail d’ « endotypes » différents, c’est-à-dire de sous-types caractérisés par des mécanismes immunitaires distincts influencés par des déclencheurs environnementaux tels que le régime alimentaire et les changements dans la composition du microbiome intestinal qui s’ensuivent. Les thérapies basées sur l’alimentation et sur le microbiote joueront donc un rôle important dans la gestion de ces endotypes d’une manière véritablement personnalisée », souligne le professeur Desai. L’équipe de recherche souhaite à présent appliquer ces résultats à une cohorte de patients souffrant d’allergies alimentaires, afin d’identifier d’autres microbes intestinaux favorisant la sensibilisation aux allergènes alimentaires. Il est intéressant de noter que les changements dans la composition du microbiome intestinal, la dégradation de la barrière muqueuse et l’inflammation sont également des caractéristiques d’une série de troubles intestinaux, dont le syndrome du côlon irritable (SCI) et les maladies inflammatoires de l’intestin (MII), ainsi que de maladies auto-immunes extra-intestinales, comme la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, le diabète de type 1 et même la maladie de Parkinson.

Comprendre le rôle des différents composants du microbiome et la manière dont leurs fonctions sont affectées par des facteurs externes tels que le régime alimentaire devient donc la clé de la prévention et du traitement d’un large éventail d’afflictions, des allergies alimentaires aux maladies neurodégénératives, conférant ainsi à notre travail une dimension hautement translationnelle avec un énorme potentiel thérapeutique pour de nombreux patients dans le monde entier

conclut-il.

L’étude a été réalisée avec l’ancienne doctorante le Dr Amy Parrish, ainsi que le Dr Marie Boudaud de l’équipe du professeur Desai. La recherche a bénéficié de la collaboration avec d’autres chercheurs du LIH, à savoir le professeur Markus Ollert, Oliver Hunewald et le Dr Antonio Cosma. L’article original a été publié dans la célèbre revue « Nature Microbiology » sous le titre « Akkermansia muciniphila exacerbates food allergy in fiber-deprived mice ».

A propos du Luxembourg Institute of Health (LIH)

Le Luxembourg Institute of Health (LIH) est un établissement public de recherche biomédicale focalisé sur la santé de précision et investi dans la mission de devenir une référence de premier plan en Europe pour la traduction de l’excellence scientifique en avantages significatifs pour les patients.

Le LIH place le patient au cœur de toutes ses activités, animé par une obligation collective envers la société d’utiliser les connaissances et les technologies issues de la recherche sur les données dérivées des patients pour avoir un impact direct sur la santé des personnes. Ses équipes dévouées de chercheurs multidisciplinaires visent l’excellence, en générant des connaissances pertinentes liées aux maladies immunitaires et au cancer.

L’institut considère les collaborations, les technologies de rupture et l’innovation des processus comme des opportunités uniques d’améliorer l’application des diagnostics et des thérapies dans le but à long terme de prévenir les maladies.

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